Written by Commencez !, Éditos & Grands Formats

Une brève histoire de la Gig Economy

L’enquête annuelle Freelancing in America 2017 (FIA) estime que 36% de la population active américaine travaille en freelance et que ce chiffre s’élèvera à 50% dans 10 ans. 

De la Louisiane à Uber

Notre époque est remarquable par bien des aspects : l’avènement des réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, les objets connectés, les modèles économiques disruptifs, une période de récession, les bouleversements géopolitiques et surtout l’essor de l’économie du « gig ».

Le concept de Gig Economy n’est pas venu de nulle part. Pour mieux comprendre ce phénomène qui n’est pas si nouveau, il faut se replonger dans ses prémices. Nous sommes dans les années 20, en plein cœur d’un quartier de La Louisiane aux États-Unis. Des musiciens afro-américains revenus d’Europe expérimentent la musique jazz en mixant gospel et musique profane. Ils reçoivent un cachet pour chaque concert (cachet traduit par “gig” en anglais) donné. Jusqu’alors le mot “gig” n’est utilisé que pour parler de la rétribution obtenue par les musiciens pour leurs performances.

Une question de nécessité après 2009

Bien des années plus tard, survient la crise économique de 2009. Cette crise balaie le marché de l’emploi et insuffle un besoin de changement : les “Gigs” deviennent une nécessité. Ils se transforment en une économie à part entière et ne se limitent plus aux musiciens. C’est alors une planche de salut pour tous les travailleurs devenus chômeurs à cause de la crise. Les Gigs leur permettent de sortir la tête de l’eau et de payer leurs factures.

La récession est arrivée à un moment où les Millennials avaient fini leurs études, et frappaient à la porte du monde du travail. Internet a non seulement été un facteur important de l’essor de la Gig Economy, mais il a aussi soutenu sa croissance. Des nouveaux points de contact ont pu alors être exploités pour créer de nouveaux emplois pour ces nouveaux arrivants. Ce n’est donc pas un phénomène nouveau, l’économie des petits boulots a toujours existé, mais aujourd’hui, nous parlons de Gig Economy pour évoquer de nouveaux types de travail basés sur la technologie.

Trois composantes définissent cette « nouvelle » Gig Economy ; les travailleurs indépendants rémunérés par le Gig, c’est-à-dire une tâche ou un projet, par opposition aux travailleurs qui reçoivent un salaire horaire. Les consommateurs qui ont besoin d’un service spécifique, par exemple un transport vers leur prochaine destination ou un article particulier à livrer ; et les entreprises qui jouent le rôle d’intermédiaires notamment via les plateformes digitales de mise en relation.

L’exception est le modèle salarial d’aujourd’hui

Sommes-nous en train d’assister à la fin du monde du travail tel que nous le connaissons depuis des générations ? Bien qu’il soit communément accepté, l’idée qu’une personne équivaut à une carrière est un phénomène relativement récent. Avant l’industrialisation au XIXe siècle, la plupart des gens occupaient plusieurs emplois pour gagner leur vie. Un regard sur le passé permet de découvrir certains des défis, avantages et conséquences d’une économie de Gigs.

Puis, il y a eu la Grande Dépression des années 30 qui a mené à la seconde guerre mondiale. Les Américains voulaient la sécurité et la stabilité plus que tout au monde. Les conséquences qui en ont résulté ont été de grands affrontements entre le travail et le capital où nous avons vu les travailleurs s’organiser en corporations et forcer les entreprises comme General Motors à offrir des contrats plus stables.

Une nouvelle philosophie de vie 

45% des choix d’indépendance sont animés par une volonté de devenir maître de son propre temps

Bien que la Gig Economy soit encore un passage obligé pour boucler certaines fins de mois, elle s’est aussi mutée en un vrai choix de vie. Elle est le cri de ralliement de personnes devenues leur propre patron, choisissant où et quand travailler à temps plein ou partiel. Elle permet de libérer du temps des projets qui tiennent à cœur, des projets qui ont du sens. C’est un changement dans la façon de concevoir le travail. Au lieu d’un système plus traditionnel où un travailleur est à temps plein pour le compte d’un seul employeur, certains choisissent de rester indépendants pour la flexibilité, la liberté et l’épanouissement personnel qu’elle leur procure.

La montée en puissance d’Uber et d’Air BnB témoigne également du fait que ce modèle recèle un immense potentiel et qu’elle favorise les gens à condition que les bases légales soient claires pour tout le monde. Il y a en effet des zones grises qu’il faut comprendre pour mieux explorer et exploiter son potentiel.

Être coursier me permet d’avoir une activité totalement indépendante et flexible, je peux choisir mes horaires en toute liberté : cela me permet de garder du temps pour mes projets personnelsLivreur partenaire de Deliveroo
Avoir des passagers rend le trajet plus intéressant avec de nouvelles rencontres et de bonnes conversations. J’ai horreur de voir des voitures sur la route avec seulement une personne dedans. J’ai aussi choisi un modèle de voiture peu polluant !Fabio, conducteur BlaBlaCar

La liberté serait-elle devenue la nouvelle économie ? L’économie freelance, dans laquelle les travailleurs subviennent à leurs besoins grâce à une variété d’emplois à temps partiel et quittent la sécurité du salariat. Maitres de leur destin, ils aspirent à plus d’équilibre entre vie de famille et vie professionnelle.

Je voulais avoir des gens à la maison. J’ai entendu parler d’Airbnb et j’ai décidé d’essayer depuis 2015. Je ne gagne pas beaucoup. Je le fais pour la recherche de l’expérience. Edna, Montréalaise retraitée de 66 ans

38% des personnes se lancent dans un travail freelance pour concrétiser un projet de vie

Il n’y a plus de limites. La flexibilité permet de consacrer son temps et son argent de manière partielle ou totale selon ses propres motivations. Et cet argent complémentaire à d’autres revenus ou suffisant à lui-même peut être dédié à des projets qui comptent pour les concernés. Confucius ne disait-il pas « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. » L’économie du partage est une vraie philosophie de vie. C’est l’aboutissement d’un projet grâce à un travail qui peut totalement être lié à une passion personnelle.

ibbü m’a permis de financer mon mariage.

Quelles évolutions ?

Les récits historiques portant sur la Gig Economy nous rappellent que nous ne devons pas considérer le travail comme une rémunération, mais comme un élément crucial de notre vie sociale et culturelle. Le travail est une expérience dont l’équation est désormais composée de « bonheur » et « aspiration ».

Plusieurs acteurs ont pris le virage de cette révolution du travail, innovant et disruptif, insufflée par la Gig Economy : Lyft, Foodora, Deliveroo ou encore ibbü. C’est un choix et non pas une obligation. Et ce choix tend surtout vers une possibilité : gagner de l’argent grâce à sa passion.

Elle présente à la fois des avantages et des défis. Pour de nombreux travailleurs, l’expansion de la Gig Economy a fourni de nouvelles sources de revenus et de nouvelles possibilités d’emploi. Toutefois, les travailleurs sont des freelances qui ne bénéficient pas des avantages offerts par les régimes de travail traditionnels : disponibilité du revenu, accès au crédit, assurance chômage…

Néanmoins, des entreprises comme Lyft proposent un programme d’épargne retraite pour les conducteurs, tandis qu’Airbnb propose une assurance responsabilité civile pour les hôtes. La frontière s’estompe peu à peu et offre de nouvelles perspectives à tous les travailleurs.

Last modified: février 27, 2019